Mon premier employeur (un des premiers fournisseurs d’accès Internet en 1995), je l’ai quitté parce que j’avais envie de créer ma boite. Quelques mois plus tard il a été racheté et les plupart de mes ex collègues ont été licenciés pour des raisons économiques.

Quelques années plus tard, après avoir revendu (avec succès) la société que j’avais créé, je suis retourné au salariat, chez un ancien client, une filliale de Vivendi. Certes, on pourra dire que Vivendi a été un cas exceptionnel, mais le fait est que: 2 ans plus tard, moi et la plupart de mes collègues étions licenciés pour des raisons économiques.

Prochain employeur: une start up, c’est-à-dire une structure diamétralement opposée au système Vivendi. Et pourtant, 2 ans plus tard: dépôt de bilan et licenciements économiques.

(Heureusement que la société que j’ai créé a bien marché, y compris après l’avoir revendue… sinon je pourrais presque croire que c’est moi qui porte la poisse! :P)

Mais la réalité, c’est que je ne suis pas le seul dans ce cas. Je crois que je ne connais pas un seul salarié dans mon entourage qui n’ait été contraint de changer d’employeur depuis l’an 2000, soit pour des raisons économiques… soit, pire: pour des raisons d’ambiance au travail…

(Note: pour être honnête je dois dire que je connais aussi quelques fonctionnaires ou assimilés qui, eux, n’ont effectivement pas changé de travail… même si je ne suis pas sûr d’en saisir les raisons ;))

Bon, on pourra sans doute dire que c’est une caractéristique intrinsèque du secteur des nouvelles technologies. Que l’exploration des nouveaux marchés implique forcément un taux d’échecs important. Que la concentration du marché implique forcément des restructurations économiques…

Mais quand je vois cette histoire de suicides en série chez Renault, ça me rappelle brutalement à quel point la situation peut être encore pire dans d’autres secteurs… même en France, même au XXIème siècle. Et je ne parle même pas du secteur textile et tous les biens de consommation courante désormais fabriqués en Chine…

Alors voilà, aujourd’hui le constat c’est quoi?

Personnellement, je me dis que le salariat c’est has been. Il a eu ses fameuses trente glorieuses. Il a aujourd’hui ses retraités confortablement pensionnés (bonjour Papa, bonjour Maman ;))

Je crois bien que tout ça c’est fini, et l’entreprise ainsi que le système auront désormais de moins en moins à offrir à leurs salariés. Que ce soit en termes de sécurité de l’emploi bien sûr, mais aussi en termes d’avantages annexes… J’imagine que même chez EDF, le comité d’entreprise ce n’est plus ce que c’était… :»

D’un autre côté, je vois de plus en plus de gens créer leur propre emploi grâce aux nouvelles technologies (plug!). Ne serait-ce que tous ces gens qui ont ouvert leur boutique sur ebay depuis leur salon [voir: business bootstrapping]… et qui en vivent, souvent mieux que dans leur ancien emploi de salarié.

J’imagine aussi que je ne suis pas le premier à découvrir ce phénomène de vases communiquants. Il y a certainement une statistique de l’INSEE pour mesurer le transfert entre salariés en auto-employés…

Et pourtant, ce que j’ai constaté depuis 2 mois, c’est que quand vous vous inscrivez à l’Assédic et qu’on vous ballotte entre ANPE, APEC et autres structures censées vous aider, dès que vous dites que vous ne voulez pas chercher un CDI “statistiquement temporaire” mais que vous préféreriez créer votre propre emploi de manière plus pérènne… et bien vous embettez tout le monde… parce que c’est pas la démarche “normale”!

M’enfin… comme d’habitude, le monde change et personne ne veut l’accepter… |-|


Comments from long ago:

Comment from: Frédéric de Villamil

Un peu dans le même cas que toi : commencé à travailler dans le web en 2000, 4 boites sur 6 dans lesquelles je suis passé (stage et boulots étudiants compris) n’existent plus aujourd’hui : dépot de bilan et liquidation judiciaires systématiques. Et toujours après mon départ.

À croire que je porte la poisse, ou que j’ai un sixième sens.

2007-02-22 17-01

Comment from: Thierry

Peut-être qu’au fond tu n’as pas un tempérament assez altruiste pour bosser à fond permettre la création de valeur pour quelque chose dans laquelle tu n’es pas partie prenante ? Salarié, tu (te) déçois. Entrepreneur, tu (te) stresses… Pas simple. Pourtant, à la fin des fins, qui dit “entreprise” est forcément plus beau, plus grand “à plusieurs”. Il y a la même différence entre eBay et ton type qui bosse de son salon qu’entre l’équipe de France de foot et le mec qui court dans son coin.

2007-02-22 19-46

Comment from: François Planque

Thierry, je suis tellement pas fan de foot que je dois faire un effort mental énorme pour comprendre ce que tu reproche aux coureurs de marathon qui se surpassent jour après jour sans pour autant s’en répandre dans tous les médias populaires!

Ah oui, sans doute le fait que le coureur de marathon ne génère pas des milliards de revenus publicitaires.

Je plaisante bien sûr :)

(par contre là où tu pousses quand même un peu le bouchon trop loin, c’est quand tu sous-entends que les “bons salariés” – dont je ne fais pas partie – sont ceux qui sont assez altruistes pour que leurs actionnaires s’enrichissent sans qu’ils soient “partie prenante”…)

2007-02-22 20-06

Comment from: Alexis

Mais quand je vois cette histoire de suicides en série chez Renault, je ne peux m’empêcher de penser que c’est peut-être encore pire dans d’autres secteurs… Il faut tout de même vivre en autarcie pour devoir attendre des événements aussi dramatiques que des suicides avant de réaliser que le secteur des nouvelles technologies est un secteur où l’environement de travail est nettement meilleur qu’ailleurs!

2007-02-23 13-38

Comment from: François Planque

Alexis tu as raison. Je vais reformuler cette phrase parce qu’effectivement, dit comme ça j’ai moi même l’impression d’être à côté de la plaque quand je me relis…

2007-02-23 15-13

Comment from: Alexis

et ben voilà! :)

2007-02-23 18-30

Comment from: chaille

le salariat est mort??

je suis un peu dubitatif car cela pourrait correspondre à un monde dans lequel chaque personne aurait sa propre boite donc un monde avec des millions de boite avec un seul (non) salarié mouais…

je grossis le trait mais bon

2007-02-27 11-06

Comment from: Thierry

François, C’est toi qui dit “bon” salarié. Il n’y a vraiment aucun jugement de valeur dans ce que j’ai écrit.

Chaille, Le monde où chaque personne a sa boîte est une image assez proche de celle de la Silicon Valley. Il suffit de regarder l’histoire des boites, d’où viennent les gens, leur précédente boite (des cartes ont été faites) pour se rendre compte que c’est à peu près ça: chaque personne CAPABLE de faire un boite en fait une (plus pas mal de personnes non capables). Ca crée beaucoup d’inefficacité aussi parce qu’il n’y a plus rien de variment stable.

2007-02-28 17-53

Comment from: François Planque

Thierry, tu penses vraiment que ce qui caractérise la Silicon Valley c’est son “inefficacité” ?!?

Sinon, t’as vu que j’ai mis des guillemets à “bons salariés” :P

2007-02-28 19-17

Comment from: Thierry

Si dans la Silicon Valley, ils étaient Altruistes ET Entreprenants, ils seraient, en tant que groupe, complètement intouchables car la productivité augmenterait de façon exponentielle. La volonté d’entreprendre est évidemment un plus énorme dans la Valley, mais l’individualisme forcené ne crée qu’agitation, méfiance, pas travail dans la durée, pas de projet long terme… On n’a pas idée à quel point la SV en souffre.

Toi qui as lu le dernier Attali, ne penses tu pas qu’il est fort possible que le prochain “coeur” soit celui qui sache allier esprit d’entreprendre et altruisme ?

2007-03-01 00-52

Comment from: Pierre

De la même manière qu’on a le droit de pouvoir créer une société, on doit avoir le droit de vouloir être salarié. Dans beaucoup d’activités, être salarié apporte des possibilités de création que n’ont pas les créateurs (par exemple les marchas boursiers où il faut pour s’amuser avoir de grosses possibilités de gestion de capitaux..). Il ne faut pas oublier non plus que ne pas être salarié c’est renoncer aux possibilités de crédit auprès des banques, en tant que particulier.

2007-03-29 21-36

Comment from: Jean-Marc Bondon

Je suis complètement de votre avis, j’ai le même sentiment en apportant quelques modérations. Nous constatons que les entreprises utilisent de plus en plus de prestataires de services externes, pas vraiment des entreprises, souvent de simples indépendants, des consultants, etc.

Je ne pense pas que seules les Nouvelles Technologies soient au coeur de la démarche, à moins que l’on mette en avant la possibilité de travailler à distance. Le facteur clé me semble-t-il est que nous progressons dans une économie du savoir et que ces nouveaux travailleurs, les Knowledge worker, une fois formés, sont de moins en moins liés à leurs entreprise car ils possèdent leurs moyens de production, de la matière grise, leur expérience et un ordinateur portable.

La création d’activité est sans doute plus simple dans ce cas que lorsqu’il faut acheter des machines, des véhicules, etc…. Un peu comme des groupements d’artisants, peut-être verrons nous de nouveaux modèles d’entreprises, associations d’indépendants avec quelques services d’infrastructure mutualisés.

Je termine en disant que dans le cas des Nouvelles Technologies vous oubliez une donnée essentielle : l’impérieuse nécessité de posséder un garage ! En effet, toutes les success story américaines, HP, Google, Microsoft, Apple, ont démarré dans un garage. Ceux qui s’installent dans leur salon n’ont rien compris, travaillez dans votre garage.. :)

2007-03-29 23-12

Comment from: Joseph

Il y a du vrai là dedans mais de la généralisation est un peu hative.

2007-03-30 09-57

Comment from: Sylvain

si seulement le système venait à s’adapter mais cette vision reste utopique à mon sens. le francais est trop assisté et trop greviste pour s’autonomiser.

2007-03-30 10-25

Comment from: Jean Lançon

Je pense effectivement que la micro-entité indépendante est une solution d’avenir. Quitte à changer X fois d’employeur, autant les transformer en clients et/ou en avoir plusieurs simultanément, ce qui a aussi l’avantage de contourner la limitation des 35 heures hebdomadaires.

Reste à savoir combien de Français seraient prêts à se lancer en indépendant, mais vu les contraintes du droit du travail il arrivera fatalement un moment où il n’y aura plus tellement le choix. On notera d’ailleurs que c’est déjà la tendance : relativement peu de créations d’emplois, mais beaucoup de créations de petites entreprises ces dernières années.

2007-03-30 11-17

Comment from: Newtoon

Je suis vraiment d’accord avec le billet de JM Blandon plus haut.

Comme l’avais annoncé Peter Drucker en son temps, on est entré dans l’économie du Savoir (et pourtant Internet n’existait presque pas quand il a écrit ça). Je dirais même plus (et je ne suis pas le seul), on va entrer dans l’économie de la gestion d’information (et du Stress résultant). Savoir ne sera même plus suffisant.

Pour en revenir au sujet, il devient assez évident que de plus en plus de personnes voient des opportunités de création d’activités s’ouvrir devant eux. Pas besoin d’acheter une usine ou un fond de commerce : Il suffit de sortir la tête de la routine deux secondes.

Auparavant, les domaines et les services étaient assez “standards” et codifiés. A présent, il est assez facile d’inventer ou d’importer un concept de service qui soit applicable avec très peu de moyens. Il n’est plus nécessaire d’“avoir l’idée du siècle”. Ensuite, une tête bien faite, un caractère un peu aventurier (mais après tout, les salariés deviennent “aventuriers” malgré eux comme il a été dit précédemment car l’insécurité de l’emploi s’accroît) et surtout, surtout (j’insiste) constant sont la base du succés. Que d’entreprises ne voient pas le jour tout simplement parce que le candidat à l’entreprenariat n’a pas gardé la détermination et la persévérance nécessaire pour faire aboutir son projet.

Le débat qui a suivi ce billet est intéressant. Il faut cependant souligner que le salariat (ne parlons même pas du fonctionnariat…) n’existe pas sans l’entreprenariat alors que le contraire, si ! (en caricaturant). L’Etat commence à s’en souvenir à présent et mise tout le paquet sur les TPE : c’est là qu’est la manne à moyen-long terme.

L’individualisme forcené est certes discutable mais je sens moi aussi, de plus en plus, une certaine prise de consciences d’une majorité de jeunes entrepreneurs pour une entreprise responsable et citoyenne. J’avais lu que l’entreprise n’a pas une vocation sociale mais, comme beaucoup, je crois tout le contraire maintenant.

Je n’entendrai peut-être plus un jour la phrase “La boîte a failli couler car une de nos employées a pris son congé maternité…” (sic).

Pour finir, je me souviens d’un entrepreneur qui avait réussi (financièrement) et qui m’avait demandé si en école d’ingé, on parlait d’entreprenariat. J’étais tout frais sorti de l’école avec mon beau diplôme et je dû lui avouer que toute ma formation n’avait consisté qu’à me formatter que pour devenir un cadre d’Airbus.

C’est donc toute une culture et toute une pédagogie(héritée de notre histoire) qu’il faut modifier en profondeur. Certaines personnes défendent ici le salariat et je le comprends car il y a aussi des avantages. Il faut cependant se souvenir que le salariat est la règle de base actuellement (position TRES dominante) et l’entreprenariat, une entité anecdotique. Sur un plan conceptuel et idéologique, cela devrait, d’après moi, être pourtant le contraire : on devrait mettre dans le crâne de nos petites têtes blondes à l’école que l’entreprenariat est un but intéressant à atteindre et leur apprendre dés le début à gérer le stress qui est associée à la création.

Le salariat ne serait pas honteux pour autant mais on verrait davantage le salarié comme “une offre de services”. Cela devrait être le cas aujourd’hui mais cela ne l’est pas en pratique : il y a du coup des abus et chantages en raison de la pression qui s’exerce sur l’employé qui n’a pas l’habitude, – puisque l’école ne l’a pas formé à cela– de prendre des risques (de perdre son emploi en l’occurence).

2007-04-11 01-43

Comment from: Rudis

Personnelement, toutes ces extrapolations me semblent un peu exagérées. Le travail de gestion se fera peut etre depuis un ordi, à distance, avec partage des données. Mais il suffit de regarder une boite de consultants : 10 RH et gestionnaires et 100 consultants, qui eux bossent physiquement chez le client. Je pense que meme à l’avenir, on ne coupera pas au travail d’équipe. Pour créer du gros, il faut réunir une masse critique de travailleurs, pour quelques boss qui pilotent l’ensemble depuis leur ordi..sur un plage aux seychelles…et donc je pense que la structure d’entreprise et de salariat existera toujours, meme si sa forme peut évoluer. Ces quelques centaines de milliers de personnes qui vivent de leurs activités depuis le Net, ne pourront pas etre 1 milliards, ne serait ce que pour une simple question de visibilité. d’ailleurs pour parler internet, je pense que cette multitude d’expressions sera une limite du net, on commence déjà à s’y perdre. Trouver l’info pertinente, la bonne réflexion, est rendu difficile, car trop diluée dans le flots de blogs, e-journaux… Je pense que précisément l’Internet, qui est un réseau émergent va bientôt inventer le e-salariat. Un peu comme en physique, pour l’instant internet (encore très mal organisé) présente une forte entropie (désordre), mais l’interaction entre les utilisateurs du réseau, va crée une baisse de cette entropie, car la quantité à minimiser ne sera plus l’expression de chaque particule, mais l’optimisation global du fonctionnement; dont une conséquence sera la réunion des ses particules élémentaires (l’utilisateur). Internet va donc précisément réinventer le e-salariat, et la e-entreprise.

rudis

2007-04-16 00-47